Même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation.

Le plafonnement des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse pousse les salariés à identifier d’autres chefs de préjudice que la perte d’emploi réparée par l’indemnité plafonnée. Il était déjà fréquent, avant 2017, que le salarié ajoute à sa demande en licenciement sans cause réelle et sérieuse, une demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire. Ce cumul de demandes devrait être plus fréquent encore dans les années à venir. Et pour cause ! Il est de jurisprudence constante que l’on est en présence de préjudices distincts, et que par conséquent, les dommages et intérêts se cumulent, permettant au salarié d’obtenir davantage que le plafond. S’il est acquis que le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse peut donc prétendre, en sus, à des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, qu’en est-il du salarié dont le licenciement est justifié, de surcroit lorsque cette justification repose sur une faute grave?

C’est à cette question que la Chambre sociale de la Cour de cassation vient de répondre dans une décision rendue le 16 décembre 2020.

En l’espèce, un responsable de bar licencié pour faute grave présente une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par les circonstances de la rupture. Le salarié reproche à son employeur de s’être répandu en public sur les motifs du licenciement en prétendant qu’il prenait de la drogue et qu’il était un voleur. La cour d’appel avait refusé de faire droit à la demande du salarié et voit son arrêt censuré par la Cour de cassation au motif que « même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation ».

La solution ne surprend pas dans la mesure où la Cour de cassation énonçait déjà en 2013 que « le bien-fondé d'une demande de dommages-intérêts à raison des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail est indépendante du bien-fondé de celle-ci » (Cass. soc., 10 juillet 2013, n° 12-19.740).

Pour autant, demeurait encore une incertitude lorsque l’existence de la faute grave commise par le salarié licencié était retenue par les juges.

C’est cette incertitude que la décision rendue le 16 décembre dernier lève très clairement en en énonçant que « même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation ».

Il n’en demeure pas moins que l’admission du licenciement vexatoire est rare, les juges étant au global réticents à admettre l’existence d’un préjudice distinct de celui lié à la perte d’emploi.

Il faudra encore un peu de temps pour vérifier si la mise en place du plafonnement des indemnités prud’homales entraine un infléchissement de la jurisprudence.

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