(Cour d’appel de Paris, 12 mai 2021, n° 18/02660)

Est requalifié en contrat de travail, le contrat de prestations de services conclu entre la société Uber et un chauffeur, dès lors qu’il existe un lien de subordination.

Les faits

Un chauffeur travaille pour la société Uber entre le 1er octobre 2014 et le 16 août 2016, date à laquelle il est déconnecté unilatéralement par la plateforme.

Estimant qu'il était en fait lié à la société Uber par un contrat de travail dont les obligations n'avaient pas été respectées par l'employeur, le chauffeur a pris acte de la rupture de son contrat, puis a saisi le conseil des prud'hommes de Paris pour faire valoir ses droits de salarié. Débouté de ses demandes, il interjette appel.

La position de la Cour d'Appel de Paris

Elle considère qu’il existe un lien de subordination entre le demandeur et l’entreprise. Elle relève notamment que le chauffeur a intégré un service organisé par Uber qui déterminait unilatéralement les conditions d'exécution de la prestation. Il pouvait notamment être l'objet de certaines vérifications de ses antécédents en tant que conducteur qui risquaient, le cas échéant, de déboucher sur une désactivation ou une restriction de l'accès à l'application. Autre argument avancé par la Cour pour établir le lien de subordination, elle souligne qu’Uber fixe pour le service un tarif correspondant à un montant «recommandé», sans laisser le choix au chauffeur.

Uber avait donc le pouvoir de contrôler l'exécution de la prestation, mais aussi de sanctionner les manquements constatés. La société a d'ailleurs reconnu avoir désactivé temporairement le compte de son chauffeur en raison du refus de trois courses consécutives alors qu'il était connecté. Elle se réservait aussi le droit de désactiver l'accès si l'évaluation passait en dessous de l'évaluation moyenne minimale qu'elle seule fixait.

L’ensemble de ces éléments a amené la Cour d’appel à retenir pour le demandeur le statut de travailleur au sens du droit de l'Union et de considérer, en l'absence de tout autre statut applicable, qu'il était lié à la société Uber par un contrat de travail.

La position de la Cour de Cassation

Pour rappel, la Cour de cassation, en mars 2020, avait pris une décision en ce sens, ouvrant la voie à la requalification en contrat de travail des contrats des chauffeurs de plateformes (Cass. soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316).

Pour qualifier de contrat de travail la relation entre un chauffeur VTC et la société utilisant une plate-forme numérique et une application afin de mettre en relation des clients et des chauffeurs exerçant sous le statut de travailleur indépendant, la Cour de cassation avait quant à elle retenu :

  1. que ce chauffeur a intégré un service de prestation de transport créé et entièrement organisé par cette société, service qui n’existe que grâce à cette plate-forme, à travers l’utilisation duquel il ne constitue aucune clientèle propre, ne fixe pas librement ses tarifs ni les conditions d’exercice de sa prestation de transport ;
  2. que le chauffeur se voit imposer un itinéraire particulier dont il n’a pas le libre choix et pour lequel des corrections tarifaires sont appliquées si le chauffeur ne suit pas cet itinéraire ;
  3. que la destination finale de la course n’est parfois pas connue du chauffeur, lequel ne peut réellement choisir librement, comme le ferait un chauffeur indépendant, la course qui lui convient ou non ;
  4. que la société a la faculté de déconnecter temporairement le chauffeur de son application à partir de trois refus de courses et que le chauffeur peut perdre l’accès à son compte en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de "comportements problématiques", et déduit de l’ensemble de ces éléments l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements et que, dès lors, le statut de travailleur indépendant du chauffeur était fictif.

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