Un fauteuil roulant électrique n’est pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985. Son occupant ne peut donc être qualifié de conducteur de celui-ci et ne peut se voir opposer que sa faute inexcusable, cause exclusive de son dommage.

Par un arrêt rendu le 6 mai 2021 (Cass. civ. 2, 6 mai 2021, n° 20-14.551) la deuxième chambre civile de la Cour de cassation se prononce sur la qualification juridique des fauteuils roulants électriques utilisés sur la voie publique par des personnes en situation de handicap. Au visa de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation et de la Convention internationale des droits des personnes handicapées, elle considère que ces fauteuils sont des dispositifs médicaux qui ne peuvent être assimilés à des véhicules terrestres à moteur. Cette solution peut être approuvée, respectant l’esprit de la législation et les engagements internationaux de la France.

Les faits

Les faits sont les suivants : une femme infirme moteur cérébral et hémiplégique, effectue tous ses déplacements en dehors de chez elle grâce à un fauteuil roulant électrique. Le 11 février 2015, elle subit un accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur. L’assureur de ce dernier refuse de l’indemniser, arguant de la commission d’une faute exclusive de son droit à indemnisation.

Après avoir obtenu satisfaction par un jugement du 19 novembre 2018, la victime voit la cour d’appel d’Aix-en-Provence infirmer partiellement cette décision. Dans un arrêt rendu le 30 janvier 2020, elle réduit de moitié son droit à indemnisation (CA Aix-en-Provence, 30 janvier 2020, n° 19/01114).

La décision de la cour d’appel sur l’usage du fauteuil roulant électrique

La cour d’appel considère, en effet, que la victime en fauteuil roulant électrique était conductrice d’un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985. Elle s’appuie pour cela sur la définition du véhicule terrestre donnée à l’article L. 211-1 du Code des assurances, ainsi que sur l’article R. 412-34 du Code de la route définissant la notion de piéton et assimilés.

La victime forme alors un pourvoi devant la Cour de cassation, soulevant une question prioritaire de constitutionnalité que la Cour refusera de transmettre au Conseil constitutionnel dans un arrêt du 1er octobre 2020.

Elle conteste également et surtout le fait que la cour d’appel ait retenu qu’elle était conductrice d’un véhicule terrestre à moteur et qu’elle aurait commis une faute justifiant la réduction de son droit à indemnisation. Le fauteuil roulant électrique ne relève pas, selon elle, de la catégorie des véhicules terrestres à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985.

La nature du fauteuil électrique pour la Cour de cassation

Il s’agissait donc pour la deuxième chambre civile de la Cour de cassation de s’interroger sur la nature d’un fauteuil électrique disposant d’un mécanisme de propulsion autonome.

S’appuyant sur les articles 1er, 3 et 4 de la loi du 5 juillet 1985, et incidemment sur les articles 1, 3 et 4 de la Convention internationale des droits des personnes handicapées du 30 mai 2007, la Cour de cassation va casser l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

Elle considère que le fauteuil roulant électrique est un « dispositif médical destiné au déplacement d’une personne en situation de handicap » ne relevant pas de la catégorie des véhicules terrestres à moteur. Dès lors, la personne placée dans un tel dispositif ne peut être conductrice au sens de la loi. Sa qualité de non-conductrice consacrée, seule une faute inexcusable, cause exclusive de l’accident, peut lui être opposée.

Cette solution doit être approuvée. L’esprit de la loi du 5 juillet 1985 réside dans le fait de favoriser l’indemnisation des victimes d’un accident de la circulation, et ce notamment « les piétons, les passagers transportés, les enfants, les personnes âgées, et celles en situation de handicap ».

Tranchant une question réelle sur le champ d’application de la loi du 5 juillet 1985, la décision offre aussi des perspectives intéressantes quant à la finalité de la loi et à la protection des victimes en situation de handicap.

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